jeudi 25 avril 2013

Pourquoi ils quittent la France ?

Paru dans Figaro.fr Avril 2013
N'en déplaise à nos dirigeants, l'exil des Français s'accélère. Matraquage fiscal, climat dépressif, mépris de la réussite... les raisons du ras-le-bol sont multiples. Le Figaro Magazine est parti à la rencontre de ces citoyens fâchés avec la France de François Hollande.



Du soleil toute l'année, pas d'impôt sur le revenu, de l'immobilier pas cher: la Floride à de quoi faire rêver. Chaque semaine depuis janvier, la chambre de commerce franco-américaine de Miami reçoit de France entre cinq et dix demandes de renseignements de la part de candidats à l'expatriation. Ce qui débouche en moyenne sur deux rendez-vous par semaine sur place, en Floride. Du jamais vu. Pendant les dernières vacances de février, la directrice Laure McKay a vu débarquer des familles entières. «Elles viennent pendant les vacances scolaires pour tâter le terrain», explique-t-elle. La demande a été telle qu'elle a décidé d'organiser sur place lors des prochaines vacances de Pâques, le 7 mai, un «forum d'échanges et de rencontres». Que cherchent ces Français prêts à tout quitter? Faire des affaires. L'un des derniers candidats à l'aventure qu'elle a reçus voulait lancer une société d'import-export, par exemple. «Parfois, s'étonne-t-elle, ils n'ont aucun plan précis. Ils expliquent qu'ils ont «toujours voulu devenir agent immobilier» ou qu'ils «rêvent d'ouvrir un restaurant» même s'ils n'ont aucune expérience.»
N'en déplaise à nos dirigeants, l'exil des Français s'accélère. Matraquage fiscal, climat dépressif, mépris de la réussite, etc., les raisons du ras-le-bol sont multiples. Auxquelles il faut désormais ajouter le scandale Cahuzac, dont on n'a pas fini de mesurer l'impact sur l'état d'esprit des contribuables. «Il ne sert à rien de camper dans le déni, estime Michel Rousseau, de la Fondation Concorde, un think tank libéral. L'exil des patrimoines comme des talents est un problème considérable, qui a de lourdes répercussions sur l'investissement et l'emploi.»

«Résider en France devient lourdement handicapant»


Dans un pays qui a toujours été une terre d'accueil plus que d'émigration et n'aime rien tant que de revivre sa Révolution, partir est mal vu. «Casse-toi riche con!» avait hurlé Libération en une à l'adresse de Bernard Arnault, première fortune française, en découvrant son projet de naturalisation belge en septembre dernier. Puis ce furent Gérard Depardieu et ses pérégrinations belgo-russes. «Minable», avait lâché le Premier ministre Jean-Marc Ayrault à propos de notre «Gégé» national. Alors évidemment, les autres n'ont rien dit. Profil bas. «N'écrivez pas mon nom», suppliaient-ils. Et tandis que depuis l'été dernier, tous les avocats fiscalistes de Paris racontent à qui veut l'entendre ne jamais avoir vu un exil fiscal d'une telle ampleur, Bercy peut se permettre de répondre malicieusement: «Non, vraiment non, il n'y en a pas plus qu'avant. Vous en connaissez, vous, des gens qui partent?»
Mais aujourd'hui, les «cons» se rebiffent, les «minables» se cachent de moins en moins. Et ils parlent. Ils racontent pourquoi ils sont partis ou s'apprêtent à le faire, ce qu'ils pensent de la France... Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes, premier groupe informatique français (1), ne s'est pas fait injurier lorsqu'il a calmement expliqué le mois dernier qu'il envisageait un exil fiscal, parce que «résider en France devient lourdement handicapant». En plein strip-tease sur le patrimoine des politiques, un député millionnaire qui siège sur les bancs des radicaux de gauche, l'élu de la Réunion Thierry Robert (2), a lancé ce cri du coeur sur RTL: «Si on continue à ne pas encourager l'investissement et le développement, j'en aurai marre de payer tout le temps et je pourrais quitter la France!»

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